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6 novembre 2023

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#Intelligence artificielle

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Article réalisée suite à l’enquête de l’Institut Sphinx réalisée en France auprès de 1 242 enseignants et 4 443 étudiants du 21 juin au 15 août 2023.

Annoncé pour la 1ère fois il y a un an, Chat GPT et plus généralement l’Intelligence Artificielle (IA) s’est très vite invitée dans les salles de classe, et notamment dans l’enseignement supérieur. L’utilisation de l’IA par les étudiants et les enseignants soulève ainsi un débat : l’IA est-elle une menace pour l’intégrité académique ou un outil inestimable pour renforcer l’enseignement et l’apprentissage ?

L’Institut Sphinx, en partenariat avec Compilatio, a mené l’enquête au sein du monde de l’enseignement à travers toute la France. 1 242 enseignants et 4 443 étudiants ont ainsi répondu à notre sondage afin de dessiner les contours de cette nouvelle réalité éducative.

Enseignants et étudiants ont-ils une vision opposée ou existe-t-il des points de convergence sur les usages, les pratiques ? Qu’est-ce qui relève de l’ordre de l’acceptable, de la triche ? Et quelles sont les craintes et le futur positionnement à donner à l’IA face à l’apprentissage ?

Regards croisés à découvrir dans cet article.

 

I – Les enseignants surévaluent les usages de l’IA par les étudiants

 

a) L’IA et l’apprentissage

Le premier enseignement surprenant de cette étude vient de la mauvaise connaissance du corps enseignant des usages qu’ont les étudiants de l’IA.

En effet, 88% des enseignants pensent que leurs étudiants utilisent au moins occasionnellement l’IA, alors que 55% des étudiants interrogés déclarent en avoir un usage occasionnel.

Les enseignants s’inquiètent également des répercussions de l’Intelligence Artificielle sur les apprentissages. Ainsi, ils sont 8 enseignants sur 10 (80%) à penser que leurs étudiants copient-collent une partie des contenus générés par l’IA dans leurs devoirs. Alors que seuls 9% des étudiants déclarent le faire.

Dans l’ensemble, et de manière plus marquée chez les non-utilisateurs, les enseignants redoutent un recours trop systématique des étudiants à l’IA. Ils craignent un appauvrissement de la capacité de réflexion et de critique, des aptitudes rédactionnelles et des capacités de structuration de la pensée, potentiellement responsables à terme d’une standardisation des énoncés et d’un abaissement du niveau de la langue. Ils ne sont ainsi que 28% à penser que l’IA peut améliorer les capacités rédactionnelles des étudiants.

Citons quelques verbatim des enseignants :

  • «une baisse des capacités rédactionnelles des étudiants »,
  • « une perte de capacités de réflexion et d’esprit critique »
  • « la disparition de la capacité de rédaction des étudiants et leur trop grande confiance dans les savoirs publiés en ligne amenant à la disparition d’un esprit critique constructif et créatif ».
  • «la baisse du niveau intellectuel et la dégradation du niveau de la langue ».

b) Manque de confiance dans les rendus

Conséquence directe de la forte notoriété de l’IA générative, le corps professoral peine à accorder sa confiance dans l’originalité des productions des étudiants. Si certains font le choix de multiplier les devoirs sur table au risque de pénaliser le temps qu’ils auraient ordinairement consacré à la pédagogie, une majorité s’accorde à dire que les modes d’évaluation deviennent obsolètes.

En ce sens, les enseignants déplorent un manque de ressources pour déceler les énoncés générés par l’IA qui alimente, selon eux, la rupture d’équité dans la notation des étudiants.

 

c) Quel usage de l’IA demain ?

Parmi les étudiants utilisateurs, ils sont 50% à estimer qu’ils utiliseront ces outils avec la même fréquence. 19% déclarent qu’ils utiliseront de plus en plus l’IA dans les mois à venir.

Les enseignants s’affichent plus pondérés dans leurs projections. En effet, 39% d’entre eux estiment que l’IA va être ponctuellement utilisée par les étudiants, qui en verront rapidement les limites.

Côté non-utilisateurs, l’enquête révèle aussi que 49% des étudiants affirment ne pas prévoir dans les mois à venir, utiliser l’IA générative dans le cadre leurs travaux.

 

II – Les usages et l’efficacité de l’IA dans l’enseignement

 

a) Le recours à l’IA

Sans surprise, l’Intelligence Artificielle générative de texte jouit d’une très forte notoriété dans le monde académique. Ainsi, 97% des étudiants et 91% des enseignants affirment connaître au moins un chatbot fonctionnant avec cette technologie, le plus massivement connu étant ChatGPT.

Son utilisation est par ailleurs relativement conséquente puisque plus de la moitié des étudiants interrogés utilisent l’IA générative de contenu et 34% des enseignants disent y avoir recours au moins occasionnellement.

 

b) Pour quelle utilisation ?

Les étudiants utilisant l’IA expliquent s’en servir principalement pour :

  • les assister dans la rédaction (générer des modèles ou portions de code, reformuler, synthétiser, structurer…),
  • la correction d’un texte (syntaxe, orthographe, traduction…),
  • la compréhension (définitions, résumés, corrections d’exercices…)
  • et la recherche d’information (façon moteur de recherche…).

À la question : « Qu’est-ce que vous cherchez en utilisant ces outils d’IA générative de textes ? », les mots ci-dessous ont été majoritairement cités :

Nuage de mots enquête IA dans l'enseignement

 

Voici quelques exemples de témoignages d’étudiants :

  • « Trouver de l’inspiration pour des exposés (pour ensuite venir piocher des idées clés et les reformuler) »
  • « Des informations/contenus que je ne trouve pas sur internet.
    Des réponses à des problèmes que je n’arrive pas à résoudre »
  • « Un regroupement d’informations dispersées sur de nombreux sites, ou encore une réponse à une question très spécifique ».

Aujourd’hui, une écrasante majorité du monde académique considère que ces outils font gagner du temps (90% des étudiants et 79% des enseignants) et près de 6 professeurs sur 10 pensent que l’IA permet à leurs étudiants d’obtenir de meilleures notes (63%).

 

c) Pour quelle efficacité ?

En revanche, les perceptions sont contrastées sur l’éventuel gain en efficacité dans les études. En effet, si 76% des étudiants considèrent que l’IA générative de contenu les rend plus efficaces, seulement un tiers (27%) des enseignants abonde dans ce sens.

De manière plus tranchée encore, 3 enseignants sur 4 affirment que l’IA ne permet pas aux étudiants de développer leurs compétences (contre 43% chez les étudiants).

 

 

III – Une éthique & vision convergentes entre enseignants et étudiants

 

a) Utiliser l’IA c’est tricher

Enseignants et étudiants se rejoignent sur un point : 76% des enseignants et 65% des étudiants affirment que le recours aux Intelligences Artificielles dans le cadre de devoirs ou d’examens relève de la tricherie.

Par ailleurs, 72% des étudiants sont également préoccupés par l’impact de l’IA, tout comme les enseignants comme évoqué précédemment.

En effet, bien qu’ils identifient des apports concrets, étudiants et enseignants se disent conscients des limites de l’outil, et notamment l’imprécision ou l’inexactitude des informations générées ou encore l’impersonnalité des énoncés produits.

 

b) Proscrire ou promouvoir l’IA, telle est la question

40% des enseignants et 36% des étudiants souhaitent que l’utilisation de l’intelligence artificielle générative de texte soit interdite par les universités et écoles.

Cependant, une majeure partie du corps professoral juge que ces outils sont une opportunité pour faire évoluer l’enseignement (63%). 44% des enseignants pensent même que les IA génératives de textes vont être reconnues comme des outils d’apprentissage et transformer profondément les pratiques des étudiants.

Ainsi, les enseignants utilisateurs sont les plus optimistes à l’égard de ces prévisions. Tout d’abord, ils projettent un gain de temps dans la formalisation des supports pédagogiques. Un gain de temps dégagé, selon eux, au profit d’un recentrage sur les missions d’accompagnement et au bénéfice d’un meilleur aboutissement des projets éducatifs.

D’autre part, ils entrevoient dans ces outils conversationnels un potentiel de tutorat personnalisé à même d’assister le travail en autonomie des étudiants (correction d’exercices, définition de notions, génération d’exemples, traductions, etc.).

 

c) Besoin d’un cadre

93% des enseignants et 79% des étudiants s’accordent sur le fait que l’établissement doit fixer des règles pour encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle.

Au-delà de la mise en place de règles d’utilisation, il y a une nécessité également :

  • à former au fonctionnement de l’IA pour mieux en comprendre les bons usages et les limites,
  • d’adapter des modes d’évaluation qui puissent équitablement tenir compte de leur emploi par certains étudiants,
  • d’avoir les moyens de reconnaître des énoncés générés par IA pour les sanctionner au besoin.

 

Conclusion

Finalement, l’étude montre qu’il existe de nombreuses inquiétudes vis-à-vis des incidences sur l’apprentissage : risque d’engourdissement des capacités d’analyse, de réflexion et de création… Si étudiants et enseignants sont unanimes sur l’aspect « tricherie » d’utiliser l’IA, ils ont cependant conscience des lacunes des productions via cet outil.

L’intelligence artificielle est ainsi un défi inévitable et de taille pour l’enseignement puisqu’il s’agit d’un outil qui tend petit à petit à entrer dans les mœurs.

D’où la nécessité d’encadrer ces pratiques, à l’avenir, pour que l’IA puisse vivre au mieux dans le monde de l’Education.

 

Accédez à l’infographie

Ou découvrez l’intégralité des résultats de l’enquête

 

Consulter le communiqué de presse

 

Séparation

Rédigé par :

 

Myriam Chenelat - Le Sphinx Myriam CHENELAT

Chargée d’Études qualitatives & Conseil chez Le Sphinx

Domaines d’expertise : études qualitatives, conseil, sémiologie.

Myriam Chenelat exerce dans les études depuis 2019. Au sein de l’Institut Sphinx, elle décortique le discours des cibles avec une double méthodologie : d’une part les méthodes de l’analyse linguistique et de la sémiologie, d’autre part les techniques d’analyse textuelle avec les solutions logicielles Sphinx.


 

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