Le Sphinx

18 décembre 2023

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Le Prix de Thèse Sphinx récompense les travaux des jeunes docteurs, en Sciences de Gestion, en Sciences de l’Information et de la Communication et en Sciences de l’Education, dont les travaux sont d’une grande qualité notamment sur le plan méthodologique. La procédure de sélection est présidée par le Pr. Jean MOSCAROLA et M. Younès BOUGHZALA. Pour cette 12ème édition, 12 enseignants-chercheurs d’institutions françaises et étrangères ont été sollicités dans le cadre du processus de sélection.

 

Procédure de sélection

La procédure de sélection s’est déroulée en 3 étapes :

  1. l’appel à candidature,
  2. une phase de pré-sélection,
  3. et une deuxième phase de désignation des lauréats.

 

Au total, 14 candidatures de différentes disciplines ont été reçues : 5 thèses en Marketing, 2 thèses en management public, 2 thèses en sciences de l’information et de la communication, 3 thèses en sciences de gestion, 1 thèse en marketing territorial et 1 thèse en management des systèmes d’information.

Le jury de pré-sélection qui s’est tenu le 20 novembre 2023 a retenu 4 finalistes. Après examen des différentes évaluations envoyées par les membres de jury, les présidents de jury ont décerné le 18 décembre 2023 le premier prix de Thèse Sphinx, de 1500 euros à Flavien BAZENET pour sa thèse intitulée « De l’intention d’entreprendre des porteurs de projets numériques : l’influence des représentations véhiculées par les médias », réalisée à Télécom Paris sous la direction du professeure Valérie FERNANDEZ et M. Thomas HOUY.

 

Le premier prix

Bazenet traite d’un sujet d’une très grande actualité en sciences de gestion, à savoir l’entrepreneuriat numérique à l’ère de l’influence des représentations des médias. La médiatisation de ces dernières années du phénomène d’émergence des start-ups numériques a donné une image lisse, positive et homogène des porteurs de projets digitaux souvent éloignée de leur histoire personnelle.

La thèse vise au moyen de trois articles de recherche à caractériser le discours de la presse sur les start-ups numériques et à analyser l’adhésion des entrepreneurs à ces représentations. Les trois articles constituant cette thèse permettent de répondre aux interrogations de recherche afin : d’étudier les discours et les réflexions des journalistes à l’égard des start-ups du web, examiner la question de l’adhésion des porteurs de projets digitaux à la mythologie entrepreneuriale proposée par les médias grand public et enfin en approfondissant la question de l’intention d’entreprendre.

Concernant l’état de l’art, M. Bazenet a mobilisé la littérature sur l’intention entrepreneuriale, à savoir la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) et la théorie de l’action raisonnée (Fishbein & Ajzen, 1975) ainsi que le modèle de l’évènement entrepreneurial (Shapero & Sokol, 1982 ; Krueger, 1993) afin d’avancer un cadre conceptuel de l’intention entrepreneuriale en fonction de trois groupes de variables : la désirabilité perçue, la norme sociale perçue et la faisabilité perçue. Ces trois groupes de variables sont fonction de facteurs exogènes personnels et contextuels.

 

L’approche méthodologie du lauréat

D’un point de vue méthodologique, la recherche de M. Bazenet adopte une approche mixte qualitative et quantitative montrant une grande maîtrise des techniques de collecte de données. Dans sa première étude, pour examiner le discours médiatique sur les start-ups, un questionnaire en ligne a été administré auprès de 1747 journalistes, pour collecter un corpus de réponses d’un panel représentatif comprenant 129 journalistes. Des tris à plat ont été conduits pour cette étude.

Dans sa deuxième étude, il s’appuie sur une base de réponses de 1425 entrepreneurs à une enquête menée par les Chambres de Commerce et de l’Industrie (CCI) de toutes les régions en France pour cerner et appréhender les croyances des nouveaux entrepreneurs du numérique. M. Bazenet a isolé les réponses données par les porteurs de projets numériques (n=1 425) et les a comparés à celles des autres répondants (n=88 853).

Enfin, pour cerner les motivations des nouveaux entrepreneurs du numérique et analyser l’écart entre leurs représentations avant et après le passage à l’acte entrepreneurial, une étude qualitative a été menée au moyen d’entretiens semi-directifs auprès de 8 primo-entrepreneurs. Leurs discours, retranscrits en 242 pages, ont été analysés au moyen d’un codage thématique manuel.

 

Les résultats

Les résultats de cette thèse ont montré dès la première étude une forte homogénéité des perceptions des journalistes sur l’entreprenariat numérique, où l’on met par exemple l’accent sur l’originalité de l’idée du fondateur, et on tend à romancer les aventures entrepreneuriales réussies, ce qui diffuse au final les mêmes représentations sociales : facilité de création de start-up et son image positive et optimiste. Les primo-entrepreneurs de projets numériques adhérent en effet au mythe du succès facile de leur projet de création d’entreprise et accordent moins de temps de réflexion à leur projet par rapport aux entrepreneurs traditionnels. Cette même vision les rend moins préparés à l’échec et les pousse à prendre des risques plus élevés. Cette recherche a aussi démontré que les variables de l’intention d’entreprendre prennent des formes inédites comparativement au modèle classique de l’entrepreneuriat.

La désirabilité perçue est ainsi redéfinie, le désir semble s’être déplacé du « quoi » au « pourquoi » : c’est-à-dire vers la finalité, le but du projet. Tout comme la norme sociale perçue, car le primo-entrepreneur du web rejette les représentations négatives du modèle salarial traditionnel et profite du soutien de son entourage et de la norme sociale positive que valorise le mythe de l’entrepreneur numérique. La faisabilité perçue se voit aussi être redéfinie, car si l’auto-efficacité d’un entrepreneur classique est liée à sa détention de compétences techniques, le porteur de projet digital évalue la faisabilité de son projet par la capacité relationnelle à mobiliser son réseau pour trouver les bonnes réponses aux problèmes rencontrés.

Cette thèse avance des recommandations en premier lieu aux acteurs de l’écosystème entrepreneurial pour mieux identifier les porteurs de projets réellement motivés de ceux qui souhaitent bénéficier d’un statut social perçu comme positif. L’accompagnement de ces projets doit passer par la mise en place de dispositifs pour initier et former aux pratiques numériques de l’entrepreneuriat digital, notamment pour mieux exécuter la phase de test du projet digital. Quant aux primo-entrepreneurs, cette thèse ouvre des regards différents sur les antécédents à étudier pour mieux prédire le comportement des porteurs de projets digitaux.

Enfin, les chercheurs en sciences de gestion doivent considérer que l’entrepreneuriat numérique n’est pas un prolongement de l’entrepreneuriat classique mais comme un nouveau paradigme fondé sur une série de principes originaux, de procédures atypiques et de pratiques inédites

 

Le second prix

Le second prix de Thèse Sphinx, de 1000 euros a été décerné à Sylvain DELMAS pour sa thèse intitulée : « La relation ambivalente des collaborateurs à la marque : manifestations et conséquences sur l’attitude envers la marque », réalisée à l’Université Paris1 Panthéon Sorbonne sous la direction du professeure Géraldine MICHEL et Mme Fabienne BERGER-REMY.

Le collaborateur étant un acteur clé de la communication de la marque, la recherche de M. Delmas s’intéresse à la relation collaborateur/marque et à la façon dont les salariés perçoivent et vivent les pratiques mises en place pour s’approprier la promesse et les valeurs de la marque et adopter des comportements qui lui sont favorables ou défavorables.

 

L’approche méthodologie

Sur le plan théorique, cette recherche s’inscrit dans la lignée des travaux sur le management interne de la marque (Burmann et al., 2009 ; King et Grace, 2012 ; Du Preez et Bendixen, 2015 ; Terglav et al., 2016) qui étudie les pratiques visant l’appropriation des valeurs de la marque par les collaborateurs ainsi que les attitudes et les comportements attendus des collaborateurs à son égard. M. Delmas s’est particulièrement intéressé aux facteurs humains des mécanismes du management interne de la marque, à savoir les caractéristiques personnelles et les situations perçues comme incohérentes par les collaborateurs. Pour ce faire, deux cadres théoriques pertinents ont été mobilisés, le premier est celui de la théorie de la dissonance cognitive englobant la dissonance comportementale et la dissonance informationnelle. Le deuxième cadre mobilisé est celui de l’identité sociale.

Pour répondre à la question de recherche sur les mécanismes mis en place lorsqu’un collaborateur éprouve du confort ou de l’inconfort psychologique par rapport à des situations impliquant la marque, le design de recherche suivi repose sur 4 différentes études qui montrent une grande richesse méthodologique.

 

La première étude qualitative a permis de recenser les situations d’inconfort ressenties par les collaborateurs, grâce à la méthode de l’histoire de vie limitée. Cela a permis de collecter 63 récits mettant en exergue des situations d’incohérence entre la marque et le vécu au travail et donc d’inconforts d’apprentis de 55 différentes entreprises.

La deuxième étude de nature qualitative permet de comprendre en profondeur les mécanismes conduisant à un état de confort ou d’inconfort des collaborateurs dans leur relation avec la marque et a été menée grâce à l’approche bibliographique par les récits de vie. 19 entretiens semi-directifs avec des collaborateurs de grandes entreprises ont été conduits. De ces deux études qualitatives, découle le modèle et les 9 hypothèses de recherche.

Enfin, deux expérimentations quantitatives avec différents scénarios ont été conduites afin d’évaluer d’une part l’influence de la congruence des valeurs entre le collaborateur et la marque et d’autre part, de la compétence perçue de la marque sur l’admiration pour la marque et le bouche à oreille. Au total, 438 questionnaires ont été collectés. Les analyses conduites sont de différentes natures : des analyses thématiques et des analyses fsQCA (fuzzy-set Qualitative Comparative Analysis)

 

Les résultats

Plusieurs résultats émanent de ce travail de recherche. Concernant le management interne de la marque, elle montre que l’inconfort émane des incohérences perçues entre ce qui est véhiculé par la marque et le vécu de travail en termes d’organisation, la communication et enfin des orientations stratégiques de la marque. Ceci est d’autant plus important quand l’entreprise gère un portefeuille de marque. M. Delmas met alors l’accent sur l’importance d’une coordination des métiers des gestionnaires de la marque, la direction de la communication et la DRH afin de converger les discours de ces différents métiers.

Par ailleurs, les facteurs déclencheurs du confort ou de l’inconfort sont différents selon qu’ils soient propres à la marque ou qu’ils soient propres au collaborateur même car dépendant des caractériels individuels du salarié. Il est alors important de mieux prendre en compte la manière dont les collaborateurs incorporent la marque dans leur construction identitaire, cela passe par exemple par les actions collectives organisées.

Delmas montre aussi que la perception de la compétence de la marque ne suffit pas à elle seule pour favoriser l’adhésion des collaborateurs à la marque, la confiance en la marque apparaît ainsi comme déterminante pour engendrer la valorisation de la marque.

Enfin, cette recherche met en avant un concept nouveau, à savoir l’ambivalence des collaborateurs dans leur relation à la marque car des états de confort et d’inconfort peuvent coexister. Cette recherche met en évidence les effets positifs de ce sentiment qui génère des comportements favorables à la marque.

 

Toute l’équipe Sphinx félicite les deux lauréates pour la qualité de leurs travaux.

Cette édition a été coordonnée par Inès BOUZID, Enseignant-chercheur/Responsable du Prix de thèse Sphinx.

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